Parmi les fameux films en N&B non muets que j’ai pu obliger quelques jeunes à regarder (à cette fin, je vous conseille la méthode utilisée dans Orange mécanique de S.Kubrick, film que je recommande, si besoin est, à un public mûr et averti), certains ont été réalisés par Frank Capra. Tous les goûts étant dans la nature, il fait partie de mes réalisateurs américains préférés. Si je dis cela, c’est qu’on peut fort aisément le taxer d’idéalisme aveugle, le faire passer pour un naïf abêti par des idéologies presque blasphématoires aux États-Unis… Ce qui est étonnant, c’est qu’il n’ait pas (ou très momentanément) été inquiété politiquement durant sa carrière ponctuée de quelques films parmi les plus tendrement manichéens qu’il m’ait été donné de voir.
Pendant les dernières vacances scolaires, donc, j’ai ressorti La vie est belle, film de Noël par excellence. En V.O sous-titrée, s’il vous plaît ! En même temps, la version dvd que je possède n’a qu’une piste son, ce qui évite les débats sur la langue des sous-titres… Or donc, Capra… Je ne connaissais pas son histoire personnelle, et force est de constater qu’il y a peu d’écrits sur lui en français. J’ai donc fait un petit tour sur Internet, et le résultat de mes recherches est à l’inverse de ce que j’imaginais : dans la vie civile, Capra fut un Républicain convaincu, presque réactionnaire, absolument pas animé par l’esprit « New Deal » de ses films, probablement informateur du FBI pendant ces belles années de chasse aux sorcières que furent l’après Seconde guerre mondiale aux États-Unis… J’en suis tombé de mon fauteuil… L’un des réalisateurs les plus populaires de son temps, récompensé de multiples fois pour ses films humanistes, n’a réalisé ses films qu’en fonction du vent de l’histoire, comme des recettes qui marchent et font faire des entrées… Sans même peut-être, sans doute, croire à ce qu’il racontait… Ils semblent nombreux, ces temps-ci, ceux qui tombent d’un piédestal que la peur, la lâcheté, la force de l’habitude ou de la tradition avaient contribué à élever : Weinstein en est le nom symbole dans le monde du cinéma, comme Stauss-Kahn l’est dans celui de la politique. Et si je vais continuer à aimer les films de Capra, parce qu’après tout je différencie l’homme de ses opinions politiques, j’aurai du mal à revoir Kevin Spacey, Woody Allen ou encore Alfred Hitchcock sans ressentir un malaise certain. Et je peux malheureusement m’avancer sans trop de risques en vous annonçant que d’autres révélations auront lieu, tout aussi étonnantes et décevantes…car il semble bien, depuis la nuit des temps, que le pouvoir, quel qu’il soit, est de nature à remodeler les frontières morales et la notion de respect de l’autre. L’image, dans son sens général, a un pouvoir énorme, et ceux qui en sont les maîtres les modulent dans leur seul intérêt. L’éducation à l’image ne peut qu’aider à se distancier de ce qu’on voit et à ne pas tomber dans le piège de la manipulation mentale. Je renvoie, ici encore, à Orange mécanique et à sa description d’une certaine forme d’éducation à l’image, qu'évidemment je ne recommande pas, pour ceux qui s’interrogeraient…
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Avril 2018
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